samedi 10 février 2007

Monseigneur Marcel Lefebvre "ad limina apostolorum" - "au seuil des apôtres"

Né le 29 novembre 1905 à Tourcoing d'une une famille très catholique dont cinq enfants sur huit deviennent prêtres ou religieux. Son père meurt en février 1944 au camp de Sonnenburg où il était interné pour faits de résistance, ce qui lui avait valu deux condamnations à mort.
Elève de l'Institution Libre du Sacré-Cœur, entré au séminaire français de Rome en 1923, il est ordonné prêtre en 1929 par l'archevêque de Lille Mgr Achille Liénart[né le 7 février 1884 à Lille, décédé le 15 février 1973, après avoir traversé les grandes crises du 20ème siècle et vu l'émergence, souvent douloureuse, d'un monde confronté aux grands débats idéologiques, économiques, sociaux, politiques, internationaux, qui ont fait l'histoire de ce siècle et devint à 44 ans le plus jeune évêque de France, avant d'être fait cardinal moins de deux ans plus tard “le cardinal rouge”].
Après un an comme vicaire dans une paroisse de la banlieue ouvrière de Lille, il rejoint le noviciat de la congrégation des Pères du Saint-Esprit, [plus connus sous le nom de Spiritains]. Il fait profession religieuse en septembre 1932. Il devient missionnaire au Gabon où il s’implique dans les paroisses de brousse et dirige le séminaire.
A la Seconde Guerre mondiale, il est encore mobilisable et est affecté à la colonie. Il est rappelé en France, en 1945 et est nommé directeur et supérieur du scolasticat de philosophie des spiritains à Mortain. En 1947, il est nommé évêque et, qui plus est, vicaire apostolique de Dakar [il n’a que 42 ans quand Achille Liénart en avait 44] Pie XII lui donne la charge de délégué apostolique pour l'Afrique francophone (plus de 40 diocèses), avec la mission d'africaniser l'Église en Afrique : pour cela, il crée des séminaires et confie des responsabilités au clergé local ; il doit aussi rechercher les personnes aptes à devenir évêques ; il est remplacé à cette charge le 9 juillet 1959 par Mgr Émile Maury. En 1955, il est le premier archevêque de Dakar. Il y est remplacé en janvier 1962 par Mgr Thiandhoum[2] qu'il avait ordonné prêtre en 1949. Nommé alors évêque de Tulle (France), tout en restant archevêque à titre personnel. C’est cette même année qu’il est élu supérieur général des spiritains. Il renonce alors au diocèse de Tulle.
En son titre de supérieur d'ordre et d'Archevêque, il participe au concile Vatican II, dont son ordinant, particulièrement novateur, fut l'un des plus ardents partisans.Lors des importants débats sur la liberté religieuse, Monseigneur Marcel Lefebvre rejoint le groupe Coetus Internationalis Patrum [un groupe de travail réunissant des participants au concile Vatican II… Cf. “Ils l'ont découronné : du libéralisme à l'apostasie, la tragédie conciliaire”. 4e partie, éditions Fideliter, Broût-Vernet… “Mgr de Proença-Sigaud (archevêque de Diamantina au Brésil) dans la fonction de secrétaire ; moi-même comme ancien délégué apostolique, j’étais la couverture avec le rôle de président ; Mgr de Castro-Mayer né le 20 juin 1904 à Campinas, sacré évêque le 23 mai 1948 à 44 ans, lors de la mise en place de la réforme liturgique de 1969, il obtiendra la permission de maintenir l'usage du rite tridentin dans son diocèse, il est le fondateur d’une "union" sous le vocable de saint Jean-Marie Vianney pour la préservation du rite ancien et le maintien de la doctrine traditionnelle qui a rejoint la pleine communion avec l'Église catholique romaine le 18 janvier 2002 et a obtenu le statut d'administration apostolique personnelle, il est [mort le 26 avril 1991 à Campos était le vice-président et le “penseur”, tandis que Mgr Carli (évêque de Segni, au sud-est de Rome) était la plume avec sa compétence, son esprit vif et l’entregent propre aux Italiens…” avec environ 250 autres prélats, ce groupe de travail s'est formé en réaction contre les influences de l'aile progressiste sur le concile ... Il s'opposa entre autre, à l'inversion des fins du mariage (traditionnellement, la fin première est dans les enfants et la fin seconde est l'amour conjugal : certains progressistes souhaitaient inverser ces deux fins). Le Coetus s'est caractérisé par sa doctrine conservatrice : critiquant, par exemple, les conclusions du texte Dignitatis Humanae, les jugeant non conformes à la Tradition de l'Église. Après de longs débats, ce texte sera cependant adopté par 2308 voix pour et 70 contre. Pendant tout le concile, au sein du Coetus, Monseigneur Marcel Lefebvre cherchera à faire entendre la voix traditionnelle et défendre la cohérence de l'enseignement de l'Église].
A la fin du concile, il veut restaurer l'ordre des spiritains, selon les demandes du concile, mais en 1968, il se démet de sa charge de supérieur des spiritains, ceux-ci ayant voté la modification de la règle établie par leur fondateur, le Vénérable Père Libermann. Il critique les réformes issues de l'“esprit du concile” telles l'affirmation de la nouvelle liberté religieuse (pour toutes les religions), un nouvel œcuménisme (sans conversion), une nouvelle conception de la collégialité et la réforme de la liturgie codifiée par saint Pie V.
En 1970, il fonde à Écône (Suisse) la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X à la demande de plusieurs séminaristes français. Les buts de cette fraternité sacerdotale sont "le sacerdoce et tout ce qui s’y rapporte et rien que ce qui le concerne". Avec l'autorisation de Paul VI, l'institution est érigée canoniquement, le 1er novembre 1970, par Mgr Charrière, évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, en tant que "pieuse union" pour une durée de 3 ans ad experimentum renouvelables. De son côté, Mgr Adam, évêque de Sion (diocèse d'Ecône) l'autorise à fonder un séminaire à Ecône.
Le 21 novembre 1974, il publie un manifeste résumant ses positions :
“Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s'est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues (…)”
“Aucune autorité, même la plus élevée dans la hiérarchie, ne peut nous contraindre à abandonner ou à diminuer notre foi catholique clairement exprimée et professée par le magistère de l'Église depuis dix-neuf siècles (…)”
“Cette Réforme étant issue du libéralisme, du modernisme, est toute entière empoisonnée ; elle sort de l'hérésie et aboutit à l'hérésie, même si tous ses actes ne sont pas formellement hérétiques. Il est donc impossible à tout catholique conscient et fidèle d'adopter cette Réforme et de s'y soumettre de quelque manière que ce soit (…)”
“C'est pourquoi sans aucune rébellion, aucune amertume, aucun ressentiment nous poursuivons notre œuvre de formation sacerdotale sous l'étoile du magistère de toujours, persuadés que nous ne pouvons rendre un service plus grand à la Sainte Église catholique, au Souverain Pontife et aux générations futures (…)”
Le 6 mai 1975, Mgr Pierre Mamie, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, agissant avec le plein accord du Saint-Siège, retire l'approbation canonique à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X. Malgré cela, Mgr Lefebvre décide de continuer son action de formation de prêtres, et, en juin 1976, il ordonne 13 prêtres sans lettres dimissoires [document donnant le pouvoir de juridiction à un évêque] … et le 22 juillet 1976, Paul VI frappe donc Monseigneur Marcel Lefebvre d’une suspens a divinis pour son opposition au Concile Vatican II et son opposition aux réformes qui s'y rattachent … la Fraternité est dissoute.
Monseigneur,
Le 6 juillet 1976 (Prot. N. 514/76), le cardinal Sebastiano Baggio vous adressait une monition formelle, aux termes de laquelle vous étiez averti que des peines canoniques vous seraient infligées, si une preuve de résipiscence ne parvenait pas à la Congrégation pour les Evêques dans le délai de dix jours qui suivrait la réception de la monition.
Attendu que :
— d’une part, Mgr le nonce apostolique en Suisse atteste que vous avez eu communication, le 11 juillet de la monition formelle du cardinal préfet de cette congrégation, et que vous avez signé un accusé de réception en faisait foi ;
— et que, d’autre part, le délai fixé à dix jours est à présent écoulé sans que la preuve de résipiscence espérée soit parvenue au siège de cette même congrégation ; en exécution des instructions laissées par le cardinal Baggio, actuellement absent de Rome, j’ai référé à Sa Sainteté.
Le Saint-Père m’a confié qu’il avait reçu, de votre part, une lettre datée du 17 juillet. A ses yeux, elle ne saurait malheureusement être considérée, bien au contraire, comme satisfaisante ; je puis même vous dire qu’il est très affligé de l’attitude manifestée envers Lui dans cet écrit.
Par conséquent, le Souverain Pontife Paul VI, en date du 22 juillet 1976 et conformément au canon 2227, § 1, en vertu duquel les peines pouvant être appliquées à un évêque lui sont expressément réservées, vous a infligé la suspens a divinis prévue au canon 2279 § 2, 2°, et a ordonné quelle prenne immédiatement effet.
Le soussigné secrétaire de la Congrégation pour les Evêques a reçu mandat de vous en donner notification par la présente lettre.
Mais c’est, vous le pensez bien, avec une grande douleur que le Saint-Père s’est résolu à prendre cette mesure disciplinaire, en raison du scandale causé dans le peuple chrétien par votre obstination, après tant d’essais fraternels pour vous détourner de l’impasse où vous vous engagez. Sa Sainteté garde toujours l’espérance que vous voudrez y réfléchir encore, et prie Notre-Seigneur de vous inspirer la décision de renouer au plus tôt votre communion avec Elle.
Fait à Rome, au siège de la Congrégation pour les Evêques, le 22 juillet 1976.
Pourtant une Lettre de S. E. le Cardinal Villot, envoyée de Rome, le 27/10/1975 aux Présidents des Conférences épiscopales, depuis la Secrétairerie d’Etat sous N. 290.499/94 se terminait par :
... Eminence, Excellence, si les circonstances font que le problème vous touche d'une manière ou d'une autre, vous-même, ou d'autres évêques de votre pays, vous aurez à cœur, en cette Année sainte, de travailler pour la paix et la réconciliation. L'heure n'est pas à la polémique, elle est plutôt à la charité et à l'examen de conscience. Les excès appellent souvent d'autres excès. La vigilance en matière doctrinale et liturgique, la clairvoyance dans le discernement des réformes à mettre en œuvre, la patience et le tact dans la conduite du Peuple de Dieu, le souci des vocations sacerdotales et d'une préparation exigeante aux tâches du ministère, tout cela est sans nul doute le témoignage le plus efficace qu'un Pasteur puisse donner. Je suis certain que vous comprendrez cet appel et, avec vous, je souhaite que l'unité des membres de l'Eglise resplendisse davantage demain. † Jean Card. VILLOT.
Invoquant le cas de saint Athanase qui demeura pratiquement seul à défendre la vraie foi, dans les contradictions qui lui venaient de toute part, s'agissant de la défense du récent Concile de Nicée ; Monseigneur Lefebvre considère que Rome ne veut pas faire l'“expérience de la Tradition” et décide en conséquence de sacrer des évêques, avec ou sans l'approbation de Rome, “pour faire survivre la Tradition de l'Église” … cependant, ni Monseigneur Lefebvre ni le Pape Jean-Paul II ne veulent une rupture et tentent de maintenir le dialogue. En 1987, le pape nomme le cardinal Gagnon médiateur, celui-ci rend visite à de nombreuses maisons de la Fraternité Saint Pie X ; il conclut sa tournée sur des propos très louangeurs et remet au pape Jean-Paul II un rapport sur ces visites. Malgré un accord signé le 5 mai 1988, approuvant le principe de la nomination d'un évêque pour que l'œuvre de la Fraternité se maintienne, la tentative échoue … et le 30 juin 1988, Monseigneur Lefebvre, assisté de Monseigneur Antonio de Castro-Mayer, sacre évêques Bernard Fellay, Bernard Tissier de Mallerais, Richard Williamson et Alfonso de Galarreta, Le lendemain, le cardinal Gantin, préfet de la Congrégation des Evêques, les déclare, excommuniés latæ sententiæ au titre des canons 1364-1 et 1382 du Code de droit canonique.Certains proches de Monseigneur Lefebvre et de sa Fraternité refusent le terme de schisme en citant le Père Jone O.M. Cap qui écrit en 1934 : “Est schismatique celui qui, par principe, ne veut pas être soumis au pape… mais n'est pas schismatique celui qui refuse simplement d'obéir au pape, alors même que ce serait pendant longtemps” [ Précis de théologie morale catholique, n°432, 1]
… au principe que Monseigneur Lefebvre n'a jamais renié la papauté catholique, comme l'ont fait, par exemple, les schismatiques orthodoxes. Mais a maintenu une vive discussion et une désobéissance systématique concernant certains textes du concile Vatican II et de ses réformes.
Monseigneur Marcel Lefebvre meurt le 25 mars 1991 en la fête de l'Annonciation, à Martigny en Valais, laissant derrière lui la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, implantée dans plus de cinquante pays sur les cinq continents. Malgré l'acte de rupture posé formellement en 1988, les relations entre Rome et les fils de Mgr Lefebvre se maintiennent encore aujourd'hui.

Aucun commentaire: