- l’évangélisation des enfants est en priorité la responsabilité de leurs parents,
- donc la pastorale familiale est la priorité dans un diocèse,
- et quoi qu’il en soit, dans tous les domaines, à temps ou à contretemps, « malheur à moi si je ne fais pas connaître l’évangile »…
…a expliqué hier Mgr Jean-Pierre Cattenoz, au cours d’un entretien rediffusé par la chaîne KTO. Ce langage de clarté et de netteté est celui de l’archevêque d’Avignon dans toutes les circonstances.
Il a notamment publié le 15 janvier un livre intitulé UNE CHARTE POUR L'ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE DANS LE DIOCÈSE D'AVIGNON (éd. Parole et Silence), qu’il présente en ces termes : « Ayant reçu comme évêque, successeur des apôtres, la charge de l'Église qui est en Avignon, je ne peux rester indifférent à la situation présente de l'Enseignement catholique. L'enjeu est formidable, essentiel pour notre Église d'aujourd'hui et de demain. Au terme de plus de trois ans de réflexion sur l'état de l'Enseignement catholique dans le diocèse, il m'a semblé important de promulguer une charte diocésaine qui montre le chemin dans lequel nous devrons avancer dans les années qui viennent. Je ne souhaite qu'une seule chose : permettre aux jeunes qui sont présents dans les établissements catholiques de pouvoir découvrir et rencontrer Celui qui seul pourra donner sens à leur vie, Celui qui ne cesse de nous redire : " Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie " (Jn 14, 6). »
Ce chantier – recatholiciser l’école catholique ! – demande du courage, et l’on en félicite Mgr Cattenoz. En effet, la crise de l’enseignement public pousse de très nombreux parents incroyants à mettre leurs enfants à l’école privée. Ce n’est pas pour des motifs religieux : « De bonnes études mais pas de prosélytisme », exigent ces parents. Dans leur langage, prosélytisme veut dire instruction religieuse. Des écoles « catholiques », s’ajustant à cette demande pour profiter de la tendance, ont donc estompé leur caractère propre ; elles ont recruté des enseignants qui, à leur tour, souhaitent balayer la religion sous le tapis.
D’où l’appel de Mgr Cattenoz à se réveiller et à se ressaisir.
Avec des nuances, bien entendu : il ne s’agit pas de faire du « prosélytisme » abusif, ni d’imposer partout un même modèle pédagogique, souligne-t-il. Mais l’école catholique doit se souvenir de ce qu’elle est.
Ajoutons cette question : si l'école chrétienne ne propose pas la connaissance du christianisme, pourquoi les diocèses devraient-ils la soutenir ?
P.s. L'affadissement de certaines écoles s'appuie sur l'hostilité croissante de la classe politique envers le christianisme dans l'enseignement. Il y a là une complication, qui risque de se renforcer lors de la prochaine législature - quelle que soit sa couleur.
En prolongement d'un début de controverse occasionné à l'automne dernier autour de la mission spécifique de l'enseignement catholique, la parution en ce début d'année 2007 de l'ouvrage de Mgr Jean-Pierre Cattenoz (1) permet d'approfondir sereinement mais de manière très pertinente les termes du débat amorcé alors. Au travers d'une relecture des Evangiles, de l'événement central de la Pentecôte et des Actes des Apôtres, l'archevêque d'Avignon nous permet de mieux saisir les fondements et les enjeux de cette évangélisation de la jeunesse en ce début du XXI° siècle. Dans notre société désormais postchrétienne (l'enquête récente du CSA sur la foi des cathos nous l'a démontré avec éclat), la foi n'est ni vécue, ni transmise depuis 2 ou 3 générations chez la très grande majorité de nos concitoyens, hormis sans doute une vague culture déiste et humaniste, pétrie de relativisme religieux et de questionnement existentiel.
Depuis toujours, la première mission de l'Eglise est - non d'abord de développer et d'incarner des valeurs évangéliques (ce qui reste cependant essentiel en terme de fruit de sa foi et de sa mission) - mais bien de conduire de manière explicite hommes et femmes à la rencontre vivante et transformante du Christ, Sauveur et Seigneur, de mener à la conversion par la foi comme l'ont souligné avec tant de constance depuis plus de 40 ans les papes Paul VI, Jean Paul II et Benoît XVI.
Après plus de 1500 ans de quasi-chrétienté en France (et en Europe), les chrétiens ont oublié le sens et la pratique de cette première évangélisation; en effet, la mission de l'Eglise durant des siècles fut d'entretenir et de nourrir la foi d'une société traditionnellement chrétienne, oubliant bien souvent le processus évangélisateur qui conduit à la conversion elle-même. Mgr Cattenoz reprend à son compte les propos du cardinal Danneels lors du congrès sur la Nouvelle Évangélisation à Paris en 2004 : « actuellement, il y a une inflation de catéchèse comme si on voulait canaliser une énergie avant même qu'elle soit suscitée, et un manque important de kérygme ; on agit trop souvent comme si la déflagration de conversion avait eu lieu ».
L'archevêque d'Avignon constate ainsi que « l'Église occidentale est sans doute aujourd'hui un géant catéchétique et un nain kérygmatique, expliquant en cela le peu de fruits apostoliques de nos pastorales ». D'où la priorité pastorale - si chère à Jean-Paul II durant 20 ans - de réapprendre « à témoigner, à toucher le cœur des hommes et à identifier clairement la source de leur bonheur, afin que s'opère - selon la grâce - le big-bang initial de la conversion qui change la vie, dégage une énergie essentielle, une véritable déflagration intérieure, à partir duquel s'enracine et se construit depuis toujours la vie chrétienne convaincue et authentique ».
S'inscrivant résolument dans la pédagogie divine révélée dans les Actes des Apôtres et la vie des premières communautés chrétiennes - confrontées, elles aussi, à des sociétés paganisées et soumises à « tout vent de doctrine » (St Paul) - l'Eglise est appelée à respecter davantage le processus des 3 grandes étapes de découverte de la foi :
- la première évangélisation qui conduit au retournement du cœur et à la rencontre bouleversante de l'amour de Jésus-Christ, au désir personnel de le choisir comme Seigneur et de l'accueillir comme Sauveur
- l'apprentissage et l'intelligence de la foi en suivant la catéchèse proposée par l'Eglise, la gestation de la vie chrétienne en apprenant peu à peu à mettre sa vie en conformité avec l'Evangile
- l'enfantement à la vie de disciple et de chrétien à part entière au travers de la vie sacramentelle qui conduit à participer pleinement à la communauté ecclésiale et à sa mission.
Bien au-delà du cadre de l'enseignement catholique et de la pastorale du diocèse d'Avignon, c'est à une réflexion essentielle sur le sens et le processus de l'évangélisation en ce monde occidental du début de XXI° siècle auquel nous invite ici l'archevêque d'Avignon. Elle s'inscrit en droite ligne avec la pensée de Jean-Paul II et rentre en écho avec l'expérience très riche et diversifiée du renouveau missionnaire des paroisses, des mouvements, des communautés nouvelles ou anciennes constaté en France ou ailleurs depuis 40 ans. Puisse cette précieuse réflexion alimenter un débat essentiel pour le devenir et la mission de l'Eglise, particulièrement auprès de la jeunesse.
Alex et Maud LAURIOT PREVOST
(1) « Une charte pour l'enseignement catholique dan le diocèse d'Avignon » - Editions Parole et Silence
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