mercredi 14 février 2007

Le politique ordonné au bien commun … ?

Par le biais des petites phrases et des bourdes diverses, la France est entrée dans la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle. Heureuse perspective !… La société du spectacle, naguère auscultée par Guy Debord, déploie à un degré peut-être jamais atteint sa logique (au sens propre) subversive, en vidant de son sens « le » politique ordonné au bien commun, au profit d’un individualisme de paillettes.
C’est dans ces circonstances que paraît le nouveau livre de Jean Sévillia, au titre sans ambiguïté : Moralement correct (1). Au fond, ce que nous montre l’auteur, c’est que « le » politique n’est pas le seul à faire les frais d’une transformation profonde et radicale. La morale commune, socle du « bien-vivre » d’une société, disparaît en lambeaux, s’envole comme autant de sacs en plastique abandonnés sur le bord de la route. L’environnement est sali. Mais cet environnement, c’est la société et l’homme lui-même. « Quelque chose, écrit-il, s’est détraqué dans notre société, provoquant mille petits faits, qui accumulés forment de grands effets ». Sans nous en rendre compte, sans le vouloir, sans même répondre à une volonté arrêtée et à un désir programmatique, nous avons fait notre entrée en barbarie. Bienvenue à « Barbarie-Land »…
Sombre constat ? C’est un fait. Et c’est même une accumulation de faits que nous offre Jean Sévillia dans ce remarquable travail. Son livre va déranger. Forcément. Immanquablement. Mais attention ! Au contraire d’Historiquement correct, l’un de ses précédents ouvrages, véritable succès de librairie, ce nouveau livre ne provoquera pas seulement ceux qui dictent la morale de l’époque. Il va tous nous atteindre. D’une manière ou d’une autre. D’abord, comme Jean Sévillia l’écrit, parce que « de ces bouleversements, nous sommes aussi les complices. Nul n’échappe à son époque (…) : sans nous en rendre compte, chacun à notre manière, nous reproduisons les travers du temps ». Il va surtout nous déranger en nous obligeant au devoir de lucidité, à la sortie du « cocooning », pour nous confronter à la réalité. En ouvrant les yeux. Enfin ! À cet égard, les âmes sensibles auront quelques difficultés à lire le chapitre intitulé « Sexe attitude ». Que l’on se rassure pourtant. Aucune complaisance dans cette photographie de l’envahissement massif et quasi indolore de la pornographie. Dans l’installation – la nôtre aussi – de ce que Jean Sévillia appelle le « totalitarisme sexuel ». Il s’agit d’un état des lieux à mots choisis, mais sans jamais se voiler la face, ni tirer le rideau pour se rassurer en pensant que cela arrive forcément ailleurs. Un constat, au contraire : nous avons tous perdu notre innocence. Vous n’y croyez pas ? Aller consulter le gros catalogue d’une enseigne de vente par correspondance, sise à Roubaix et présente dans presque tous les foyers catholiques. Éloquent, si l’on peut dire …
Pour nous aider dans cette quête de la lucidité, dans ce retour au principe de réalité, l’auteur nous propose un regard sur la société française telle que la révèlent les enquêtes, les reportages, les débats, les livres ou les déclarations diverses. Pas de discours a priori ou de projection d’une philosophie particulière. Au contraire, Jean Sévillia est parti du constat de la distorsion qui existait entre les élites politico-médiatiques, voire économiques, et le reste des Français. Comme tout un chacun, il a senti la crise profonde dans laquelle nous sommes installés et les souffrances concrètes qu’elle génère. Est-ce suffisant ? Non, il fallait asseoir ce constat sur des faits précis. En un mot, enquêter pour vérifier que dès le départ la perspective n’était pas faussée.
Au terme de ce travail, il aborde les mutations profondes qui se sont produites pour faire de la société française ce qu’elle est aujourd’hui. Mutation en termes de comportement sexuel, mais aussi dans le rapport à l’autorité parentale ou scolaire. Mutation dans la propagation de la violence, mais encore dans la fuite du réel par le recours à la drogue. Mutation dans la victoire de l’individualisme, mais aussi dans l’urbanisation massive de la France. Mutation dans le refus du travail comme dans la transformation du concept de citoyen. Etc. Jean Sévillia tente de déchiffrer la crise profonde de notre société. Non pas pour se repaître de sa perspicacité en clamant : « Je vous l’avais bien dit ». Non pas en raison d’un étrange goût pervers d’étaler ce qui va mal. S’il dresse ce constat multi-azimut c’est pour conclure à la nécessité de retrouver une morale commune capable « de parler à des hommes d’origines et de convictions différentes ». Et rappeler que si nous sommes atteints de ce mal, celui-ci n’est pas incurable. À sa manière, Moralement correct est un manifeste de l’espérance lucide.
Extrait de L'Essentiel de Philippe Maxence, consacré au dernier livre de Jean Sévillia, “Moralement correct” L'Homme Nouveau 1389 … Livre en vente sur www.librairiecatholique.com

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