samedi 10 mars 2007

Evolution stratégique des Églises européennes


Les Églises européennes se fâchent. Dernier épisode en date de la colère catholique, la réforme scolaire (LOE) du gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero. Les évêques espagnols appellent les parents d'élèves et les directeurs d'école à "l'objection de conscience" contre un nouvel enseignement intitulé "éducation à la citoyenneté et aux droits humains". Cette fermeté épiscopale n’est pas surprenante. D’après certains observateurs, Rome n’y est pas étrangère, et cela à double titre.
Les parents doivent défendre par tous les moyens légitimes à leur portée" leur droit à choisir "l'éducation morale qu'ils veulent pour leurs enfants". Le porte-parole de l’épiscopat a été clair : "L'objection de conscience est un moyen légitime : les parents feraient bien d'y recourir".

Cette intervention musclée de l’Eglise espagnole témoigne effectivement d'une évolution dans la stratégie de présence des catholiques dans la société.
Rappelons-nous le 19 octobre 2006, à Vérone (photo). Benoît XVI s’adresse aux évêques italiens pour citer leur Église comme "point de départ très favorable" pour une renaissance chrétienne en Europe et dans le monde… De fait, la résistance à l’italienne conduite par le cardinal Ruini a connu quelques succès, comme le rejet du projet de loi de bioéthique de juin 2005 libéralisant la destruction des embryons. Il est manifeste qu’au delà de ces succès, le refus du compromis sur les priorités non négociables ne changent pas nécessairement la société comme par un coup de baguette magique, mais éclairent les consciences de façon déterminante pour l’avenir.
Or, constate Sandro Magister, l’Eglise italienne n’est plus une « exception solitaire ». D’autres conférences épiscopales suivent son exemple : « Au Portugal, l’Eglise s’est récemment opposée avec fermeté au referendum sur la dépénalisation de l’avortement. Mais l’exemple le plus frappant d’imitation du modèle italien, d’après Magister, vient d’Espagne.
Dans ce pays, la conférence épiscopale a accompli une véritable volte-face stratégique. Après avoir encaissé certaines “évolutions” douteuses du gouvernement Aznar, et subir de plein fouet les provocations agressives du gouvernement Zapatero, l’Eglise a repris l’initiative en mobilisant un million et demi de personnes dans les rues de Madrid, avec les évêques en tête du cortège.
Mais au-delà de cette initiative symbolique, deux documents de l’épiscopat témoignent du changement de cap de l’Église espagnole : ces "instructions pastorales", votées en 2006, ont jeté un pavé dans la mare. La première s’attaquait sévèrement aux déviations doctrinales et morales présentes dans l’Eglise espagnole, leur attribuant l’incapacité de cette Eglise d’affronter les défis de la sécularisation. Aujourd’hui, nous apprend Sandro Magister, « ce document – validé par la Congrégation pour la doctrine de la foi – constitue la base d’une campagne de clarification doctrinale dans les diocèses, dans le clergé, dans les séminaires, chez les catéchistes, dans les associations et dans les paroisses ».
C’est la seconde instruction qui entre directement dans le vif des changements intervenus dans la société et dans la politique espagnoles : « Les évêques y décrivent et jugent l’onde de choc du laïcisme en cours, ils rappellent les catholiques à leurs responsabilités religieuses et civiles et ils proposent les orientations morales qui permettront une réponse efficace à la situation présente ». Le document de référence cité par les évêques espagnols est précisément le discours prononcé par Benoît XVI à Vérone.
Instruction pastorale "Orientations morales dans la situation actuelle de l’Espagne", 23 novembre 2006. Source et traduction (extraits) :
http://chiesa.espresso.repubblica.it/
Voir également : http://www.generation-benoitxvi.com/
D'un autre côté et/ou parallèlement on perçoit une dégradation du climat intellectuel ...
“On dirait bien qu'il se développe un nouvel anti-intellectualisme. Le discours public vise de plus en plus non pas à rechercher la vérité, mais à mettre un terme à la discussion. On perçoit une tendance croissante à refuser de débattre en déclarant que "le temps de la discussion est terminé". Et ce n'est pas vrai que pour le réchauffement. Soulevez une question à propos de la validité, scientifique ou philosophique, de la théorie darwinienne, et on vous répondra que "le temps de la discussion est terminé." [...]” estime le Père Neuhaus, intellectuel catholique new-yorkais qui s'en inquiète dans le numéro de mars de la revue First Things, partant de l'exemple du réchauffement climatique.
For the Sake of Civil Argument by Richard John Neuhaus in First Things, The Journal of religion,Culture and Public life
of Friday, March 9, 2007, 7:50 AM - Repris in Le Salon Beige par Henri Védas

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