samedi 10 mars 2007

Euthanasie, soins palliatifs et acharnement thérapeutique

Interrogé dans Le Monde, Edouard Ferrand, anesthésiste-réanimateur et membre de plusieurs commissions d'éthiques médicales, explique : "L'euthanasie est une mauvaise réponse à un vrai problème. Toutes les études montrent que les gens meurent très mal à l'hôpital. [...] Les trois quarts des malades meurent seuls, sans leur famille, accompagnés d'un soignant, alors que le décès était prévisible. [...] L'étude MAHO (pour "Mort à l'hôpital") a montré que 80 % des malades qui mouraient avaient des symptômes d'étouffement et ne bénéficiaient pas d'analgésie ou de sédation. Les trois quarts des malades meurent seuls, sans leur famille, accompagnés d'un soignant, alors que le décès était prévisible. Les soignants ne sont pas formés, la démarche palliative des médecins n'est pas valorisée. [...] Des interventions chirurgicales sont encore pratiquées alors que le patient n'avait aucune chance de guérison. Le patient est sous support vital artificiel, il va mal mourir sans que la famille soit présente. Les soignants se retrouvent à traiter complication sur complication. Pourtant, l'acharnement thérapeutique est toujours de bonne foi, même dû à un manque de traçabilité. La loi Leonetti est loin d'être appliquée comme elle le devrait, alors même qu'elle constitue un bon cadre. La législation prévoit notamment la possibilité pour le patient de désigner un tiers de confiance, mais cela n'est pratiquement pas fait. La seule disposition réellement traduite dans les faits est la rédaction de directives anticipées (testament de vie du patient). Les améliorations sont dues à l'évolution des mentalités, davantage qu'à l'application stricto sensu de la loi. La loi Leonetti donne plus de sécurité médico-légale aux médecins pour prendre une décision. L'étude Latarea 2, dont nous présenterons prochainement les résultats, montre que les soignants se réunissent plus souvent et que, dans un tiers des cas, il s'agit pour eux de continuer un projet thérapeutique. La loi prévoit à juste titre que les familles doivent être consultées. Elle a surtout ajouté l'idée de la traçabilité dans le dossier médical de toutes les décisions. On ne fait pas ce que l'on ne peut pas écrire. La démarche palliative est, par définition, une limitation des gestes et des actes. Or, comme cette démarche n'est pas valorisée, il n'y a aucun intérêt, même économique, à la développer. Il faut que la démarche palliative, la culture du projet thérapeutique, irrigue tous les services et la médecine de ville [...] Dire que les gens meurent mal ne renvoie pas à la question du droit à l'euthanasie, mais à la nécessité d'améliorer et d'évaluer la prise en charge de la fin de vie [...] Il ne faut pas faire de la collégialité un quart d'heure avant la mort du malade. Les soignants doivent discuter en amont, s'asseoir autour d'une table, connaître l'environnement du patient, qui le représente, ce qu'il souhaitait, son histoire.
Il y a probablement quelques centaines de patients pour lesquels, malgré le projet de soins palliatifs, le sentiment de perte de dignité amène à un désir de mort. Mais cela est marginal par rapport au vrai problème de fin de vie qui se pose en France. [...] C'est peut-être le moment d'aborder un problème plus large : que voulons-nous faire de la santé ? Veut-on privilégier le scanner à tout bout de champ ou au contraire améliorer les droits du patient sous toutes leurs formes, ce qui nécessite des moyens adéquats ? Je crains que, s'il y avait une loi sur l'euthanasie, on n'occulte l'idée du droit du patient en amont."

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